Les Héritiers - 24

Publié le par Arkeane

"Le sang de ses ennemis coulait le long de sa lame."

Elle tranchait, tailladait, découpait tout ce qui lui tombait sous la main. Le sang de ses ennemis coulait le long de sa lame et l’éclaboussait sans que cela ne parvienne à étancher ses larmes. Elle était toute seule au milieu des lignes ennemis mais plus rien ne lui importait, elle ne désirait qu’une seule chose : tuer.

La jeune fille n’avait plus conscience du temps qui s’écoulait, totalement absorbée dans son massacre.

Son père était mort en la protégeant. Sa mère était morte en la protégeant. Et maintenant sa dragonne venait de mourir pour la même raison. Elle n’attirait que la mort autour d’elle ! Le Vieux était surement lui aussi mort, ouvert de part en part et abandonné au milieu du carnage…

Elle pleurait ainsi toutes les choses qui lui avaient été arrachées et qu’elle avait perdues. Elle s’enfonçait de plus en plus dans sa folie meurtrière. Si la mort rodait dans ses parages alors autant que ses ennemis en profitent !

Et ils en profitaient. Déjà plusieurs cadavres s’accumulaient aux pieds de la jeune fille, et ça ne faisait que commencer. Elle semblait être partout à la fois, véritable furie, tranchant une gorge ici, perforant un abdomen là, esquivant et parant. Recommençant les mêmes pas de danse ainsi de suite, à l’infini. Elle ne semblait pas subir les effets de la fatigue, et malgré qu’elle soit blessée à plusieurs endroits cela ne la ralentissait aucunement dans sa soif de sang et de vengeance. Elle ne ressentait rien, son cœur était déjà un puits démesuré de douleur, comment pouvait-elle avoir mal ailleurs ?

Le temps était suspendu au fil de son épée. L’affrontement sanglant durait depuis une éternité, ou n’était-ce depuis qu’un instant ?

Toutefois, il prit fin brutalement lorsqu’Adélaïde fut stoppé net dans un mouvement. Deux attaques aussi inattendues que rapides venaient de lui sectionner les tendons de son bras droit et de lui transpercer le ventre.

La jeune fille baissa les yeux, hébétée, sur une lame enfoncée jusqu’à la garde dans son abdomen. Puis sa main s’ouvrit lentement, lâchant son épée sur une terre gorgée de sang.

La bulle dans laquelle elle s’était plongée lors du massacre éclata, et elle reprit subitement conscience du monde alentour. Une fulgurante douleur traversa tout son corps et elle ne parvint qu’à hoqueter de surprise. Les cris de sa souffrance étaient si intenses qu’ils ne parvenaient pas à franchir la barrière de ses lèvres. Seul du sang s’échappa de sa bouche et dégoulina le long de son menton, puis son corps ne la soutenant plus, elle s’écrasa à genoux sur le sol, recroquevillée sur elle-même.

Au prix d’un terrible effort et d’un nouveau hoquet de douleur, Adélaïde releva la tête. Dans un premier temps, elle aperçut vaguement que ses alliés avaient finalement réussi à percer les défenses ennemies car ils se tenaient là, à côté d’elle. Cependant, plus personne ne bougeait, plus aucun son de métal s’entrechoquant ou d’ordres lancés avec force ne résonnait dans la plaine, même les blessés et les mourants s’étaient tût. La guerre semblait s’être arrêtée d’un coup pour laisser place à une attente pesante.

Etait-ce parce qu’elle était tombée ? Elle ne pensait pas avoir autant d’importance pourtant…

Elle contempla ensuite celui qui l’avait frappé si rapidement avec une telle facilité. Il se tenait devant elle, la surplombant de toute sa hauteur. Il était vêtu d’une épaisse armure de cuir noir clouté aux reflets rouges qui s’accordaient parfaitement aux flammes brulant dans ses prunelles. Il se dégageait de cet homme une impression de puissance brute et de férocité sanglante.

C’est à ce moment-là qu’Adélaïde comprit… Elle n’avait pas à faire à un simple Guerrier des Flammes, elle avait à faire au Seigneur des Guerrier des Flammes en personne. Une terreur pure la submergea alors, tandis que l’homme se penchait vers elle avec un sourire carnassier accroché aux lèvres. Il empoigna la garde de son épée qui traversait toujours Adélaïde et la fit tourner légèrement, cela eut pour effet de libérer les cordes vocales de la jeune fille qui hurla de douleur. Ce son déchira le lourd silence qui s’était abattu sur la plaine, bientôt suivit par un second. La jeune fille crut reconnaitre un bruit de course affolée mais cela lui semblait tellement loin, tellement insignifiant par rapport au supplice qu’elle vivait.

« - STOP ! » gronda le Roi Araxior dans tous les esprits présents.

Le bruit de course s’arrêta, mais le Seigneur, lui, ne lâcha pas sa lame, il jeta juste un coup d’œil dédaigneux au grand dragon et reporta son attention sur la dernière Héritière du Savoir des Dragons à sa merci. - Il va la tuer ! gémit le Vieux.

« - Elle est déjà perdue ! »

En effet Adélaïde sombrait peu à peu, elle était exsangue et ses yeux vitreux ne voyait plus que des formes floues autour d’elle. Du sang s’écoulait toujours de ses lèvres et elle s’affaissait de plus en plus sur elle-même car elle n’arrivait plus à se soutenir. Mais lorsque la voix du Vieux pénétra le brouillard de sa souffrance elle s’accrocha aux dernières étincelles de vie qui crépitaient encore en elle.

Elle ne voulait pas mourir, pas ici, pas seule… Pourquoi le Roi des Dragons ne voulait pas que le Vieux s’approche d’elle ? Qu’il vienne la sauver ? Pouvait-elle seulement être sauvée ?

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