Les Héritiers - 25

Au plus profond d’elle-même Adélaïde savait bien qu’elle ne le serait pas. Elle allait mourir. Cette évidence la frappa avec force et des larmes coulèrent le long de ses joues. Elle n’était pas prête à laisser la vie la quitter alors qu’elle n’avait pas réussi à mener à bien sa mission. Tant d’espoirs reposaient sur elle et sur Wanuy et voilà que sa dragonne était morte et qu’elle s’en rapprochait dangereusement.

- Vous me la laisser ? Vous reconnaissez enfin ma supériorité ! rugit le Seigneur des Guerriers des Flammes.

« - Non, nous accomplissons juste ce qu’il doit être accomplit. » répondit calmement le dragon.

Le Seigneur eut un rire guttural.

- Ce qui doit être fait c’est ça ! Et uniquement ça ! Merci de m’offrir le pouvoir, stupide dragon !

Il tira d’un coup sec son épée du corps d’Adélaïde qui s’effondra le visage à moitié plongé dans la boue. Une mare de sang se rependit rapidement autour d’elle tandis qu’elle convulsait.

Et voilà c’est la fin, pensa-t-elle tristement.

Au moins elle irait rejoindre Wanuy, elle n’aurait pas à subir la dure épreuve de vivre sans la dragonne avec qui elle s’était liée. Cette pensée la réconforta quelque peu même si c’était long et que ça faisait mal de mourir…

Soudain tous les Guerriers des Flammes s’affalèrent eux aussi sur sol, seul restait encore debout leur Seigneur. - Qu… Que se passe-t-il ? se demanda-t-il incrédule devant ce spectacle.

« - Merci de vous être détruit vous-même. » rétorqua le Roi Araxior.

- Comment est-ce possible ? Le Vieux non plus n’en revenait pas.

« - Une vieille prophétie dit que la dernière grande bataille aurait lieu lorsque les deux représentants de leurs clans s’entretueront, cela se solderait par la mort des deux camps et une aube nouvelle de paix naîtrait. »

- Vous avez condamné Wanuy et Adélaïde ! Vous saviez qu’elles allaient mourir ! hurla de rage le Vieux.

« - Oui, et ce n’est que pour cette raison que j’ai accepté de vous rejoindre, pour être sûr que tout se passerait comme le voulait la prophétie. »

- Mais vous êtes encore là vous ! Et moi aussi ! Alors votre prophétie ne tient pas la route, les derniers représentants sont toujours vivants !

« - Vous n’êtes plus un Héritier du Savoir des Dragons depuis bien longtemps. Depuis que vous avez survécut autant d’année sans votre moitié. Vous avez oublié ce que c’était de voler et de chasser ensemble. »

- C’est faux ! Je m’en souviens comme si c’était hier et je pleurs chaque jour sa perte !

« - Quant à moi, je ne suis lié à aucun humain, tout comme mes sujets. » continua le Roi des Dragons sans se soucier de l’intervention du Vieux. « Ils resteront libre car je ne les autoriserais plus à s’unir à vous. C’est ainsi que le clan des Héritiers du Savoir des Dragons s’éteint avec les deux dernières Héritières. »

- Comment pouvez-vous renoncer à notre Alliance ? Nous avons fait tant de grandes choses lorsque nos deux peuples étaient réunis.

« - Et nous avons également apporté la mort dans nos contrées. Sans notre lien les Guerriers des Flammes ne serait jamais apparu ici. Il vous faut accepter cette décision, car sans le bien, le mal ne peut exister. C’est notre unique espoir… »

- Adélaïde et Wanuy ne méritaient pas ce sort !

« - Personne ne le mérite, mais qu’est-ce que la vie d’une dragonne et d’une jeune fille face à la paix que cela peut nous apporter ? »

Pendant cet échange, le Seigneur était lui aussi tombé à genoux en haletant, comme si la souffrance infligée à la jeune fille se répercutait sur lui.

- Je… Je vous maudis Dragons ! Vous ne connaitrez pas la paix. Jamais ! Nous réapparaitrons et nous vous pourchasserons sans relâche ! glapit le Seigneur des Guerriers des Flammes avant de s’effondrer et de se tordre de douleur.

Ainsi avait-elle été sacrifiée pour la paix ? songea Adélaïde toujours agonisante. Bien, qu’il en soit ainsi alors… Elle semblait accepter son sort avec plus de facilité maintenant que la mort rodait toute proche et que la douleur s’était enfin évanouie. Mais elle en voulait au Roi Araxior de ne pas l’avoir prévenu du rôle qu’elle aurait à jouer. Et pourquoi l’avoir entrainée ainsi pendant des mois si de toute façon elle était condamnée à mourir ?

Dans la brume de ses derniers instants Adélaïde crut distinguer le Vieux penché sur elle, ses yeux semblaient dire : « Je suis désolé pour tout ça, je ne savais pas… » Elle lui pardonnait.

Enfin la mort la cueilli et l’emmena loin de ce champs de bataille et de tous ces cadavres alliés et ennemis entremêlés. A côté d’elle le Seigneur des Guerriers des Flammes venait lui aussi de trépasser dans un dernier hurlement de rage et de douleur mêlé.

Elle et sa dragonne adorée avaient contribuées à apporter la paix sur leurs contrés. Finalement, elles n’avaient pas failli à leur mission, elle pouvait partir en paix.

C’est ainsi qu’Adélaïde rendit son dernier souffle car elle était la Dernière Héritière du Savoir des Dragons. Elle laissait derrière elle une aube nouvelle, une aube de paix, puisque le Mal ne pouvait exister sans le Bien.

FIN