Sacrifices - 9
Il ponctuait chacune de ses phrases d’une nouvelle claque ou d’un coup de poing, ma tête était ballotée d’un côté à l’autre sans interruption. J’avais le visage en feu mais malgré cela j’étais heureuse. Je l’avais poussé à bout, cet homme que je croyais si parfait et que j’aimais de tout mon cœur.
- Je les hais tout autant que toi ! Sauf que je suis né démon ! Je me dois d’assumer ma part de responsabilité pour le bien-être de notre clan ! Je n’en suis pas fière ! Et je ne partage pas leur plaisirs sanguinaires ! Je t’aime ! Je ne veux pas te perdre !
- Samaël ! Arrête ! C’était la voix de Logan.
Les coups cessèrent subitement, me laissant à moitié évanouie, il n’y était pas allé de main morte… Je supposais, plus que je ne vis, Logan agripper Samaël et le retenir pour l’empêcher de me frapper davantage.
Mon accès d’hystérie soudainement dissipé venait de laisser place à un grand vide en moi. Plus rien ne m’importait à présent, des points noirs dansaient devant mes yeux au rythme de ma souffrance.
Un bruit d’applaudissement transperça cette brume de douleur et une voix résonna dans mes oreilles, accentuant mon supplice.
- Très joli spectacle en effet ! J’en veux encore !
Marjorie…
- On pourrait créer un nouveau type de sacrifice intéressant grâce à ça, tu ne trouves pas Samaël ? Tabasser à mort la personne aimée. Je suis tellement contente que ce soit toi qui aies dû nous apporter le sacrifice cette année !
Je perçu un grognement indistinct provenant de mon ex-petit ami, cela ressemblait fort à un : « je vais la tuer. La dépecer lentement, puis l’étriper jusqu’à ce que mort s’ensuive ! » Ou alors, il ne s’agissait seulement que de mes pensées qui s’égaraient pour fuir la douleur lancinante… Cette hypothèse était surement la plus probable.
- Ah, au fait Samaël, bien évidemment tu seras jugé pour tes paroles déshonorantes envers notre clan, lança joyeusement Marjorie.
Je sentais, malgré la peine que j’avais à rester éveillée, que cette situation semblait particulièrement l’égayer.
Puis tout d’un coup je perçu une vive agitation dans l’assistance, de mes yeux mi-clos j’entrevis la plupart des démons se lever et se précipiter vers moi.
C’est la fin, pensais-je amèrement.
Mais au lieu de cela, ce fût le chaos qui se déchaîna au-dessus de moi. Des vociférations s’élevèrent dans la salle et des bruits de coups, suivit de jurons éclatèrent tout autour de moi. J’en compris bientôt la raison, c’était le brouhaha d’une bagarre. J’étais cependant trop faible pour m’intéresser aux protagonistes de chaque camp.
D’ailleurs, ils ne font pas parti d’un seul et unique clan uni ? Pourquoi se tapent-ils subitement dessus ? Aucune importance, pour le moment ils semblent tous m’avoir oubliée, songeais-je.
Néanmoins, ce court répit n’allait pas durer. Je savais que dès qu’ils auraient réglés leurs différents, ils allaient vouloir reprendre là où ils s’étaient arrêtés, ce qui signifiait : me torturer et me sacrifier à leur seigneur démon. Mais en attendant, je semblais inexistante. Il fallait à tout prix que je profite de cet avantage pour m’enfuir. J’étais sûr d’une chose à présent : il s’agissait là, réellement, d’une question de vie ou de mort.
Ce simple espoir de libération, aussi mince soit-il, me redonna suffisamment d’énergie pour recommencer à tirer sur mes bracelets de fer. Malheureusement ceux-ci ne s’ouvrirent toujours pas, alors j’essayai encore et encore, de plus en plus fort, animée par un sentiment d’urgence et d’espérance. Je sentis ma chair mise à vif et le sang couler, mais cela n’avait pas d’importance, je voulais seulement sortir d’ici. Mon visage me tiraillait toujours, mon œil gauche ne parvenait plus à s’ouvrir, ma lèvre fendue me brûlait, du sang s’écoulait de mon nez. Mais la douleur générée par mes pouces en train de se déboîter était la pire d’entre toute pour le moment.
Je ne m’interrompis même pas lorsque j’entraperçus une masse sombre passer au-dessus de moi puis s’écraser lamentablement contre le mur en face dans un bruit sourd.
Qu’ils me voient, ou pas, en train de me débattre avec mes chaînes ne changera rien à mon sort final, alors autant continuer, pensais-je en redoublant d’effort.
Soudainement, un inquiétant craquement se fit entendre et ma main gauche fut libre, l’entrave retomba, inutile, sur la table de sacrifice. Cependant, la douleur me retourna l’estomac et je failli de nouveau m’évanouir. En luttant pour garder conscience j’aperçus celui que j’avais aimé s’avancer vers moi.